
Issoudun (Indre).
Musée de l'Hospice Saint-Roch.
Saint Roch par Alfred Courmes (1898 - 1993)
Alfred Courmes conserve les éléments caractéristiques de l'iconographie traditionnelle de saint Roch. Le protecteur des pestiférés dévoile sa cuisse et désigne de l'index le bubon de la peste, à ses cotés, le chien tient dans sa gueule un morceau de pain. Toutefois, la franchise et l'audace de la composition dépassent ironiquement cette représentation. Sa tenue austère contraste avec son pantalon baissé laissant entrevoir son sexe. En montrant le saint « défroqué » l'artiste transgresse la pudeur habituelle qui contraignait jusque là à peindre le bubon au genou plutôt qu'à l'aine.
De nombreux détails sont réactualisés: chapeau melon et gilet remplacent feutre et pèlerine, la valise de voyageur (P LM : Paris-Lyon-Marseille) supplante le bourdon du pèlerin, le rat en cage devient le symbole moderne de la peste. Saint-Roch, auréolé d'une pleine lune, est fortement éclairé laissant une ombre portée sur le paysage comme s'il s'agissait d'une prise de vue en studio !
Ce tableau a un pendant, Saint Sébastien, conservé au Musée national d'art moderne à Paris.
Alfred Courmes est né à Bormes-les-Mimosas en 1898 ( le 21 mai ) et mort à Paris en 1993.
Élève de Roger de La Fresnaye (un des acteurs du cubisme), il s'installe à Paris en 1925, où il expose au Salon des indépendants et au Salon d'automne.
Il réalise des toiles cubistes (Nature morte cubiste au pinceau, 1921), peint des portraits comme celui de la collectionneuse d'art, américaine, Peggy Guggenheim, en 1926. Ensuite, en visitant les musées de Bruges et de Gand, il s'imprègne de Bruegel, Van Eyck, Hans Holbein, Dürer, et de Bosch.
Lors d'un séjour à Ostende (1927-1930), il fait la connaissance de Ensor, Constant Permeke, et Félix Labisse, découvre, le surréalisme et l'expressionnisme flamands, et peint l'Homme blessé (1929) en hommage à Roger de La Fresnaye.
De retour à Paris (1930), il reçoit le prix Paul-Guillaume en 1936 (partagé avec Tal-Coat) pour Saint Sébastien (1934), qui mêle iconographie chrétienne traditionnelle et publicité contemporaine (la fillette des Chocolats Menier tâte les parties génitales du saint attaché à un arbre, tout en lui plantant une flèche dans le flanc).
Après le Toucher, réalisé pour le pavillon de la manufacture de Sèvres à l’Exposition internationale de Paris de 1937, il pratique une peinture de type «illusionniste».
En 1938, Albert Sarraut, Ministre de l’Éducation nationale lui propose de participer à la décoration de la salle à manger de l’ambassade de France à Ottawa.
En 1946, il participe à l’Exposition surréaliste de Lille avec Magritte et Clovis Trouille. Ensuite, il expose régulièrement au Salon de Mai.
Dans les années 1960, il accentue le caractère ironique de ses toiles (la Pneumatique Salutation d'Angélique, 1968). Il participe, en 1981, à l'exposition les Réalismes du Centre Georges-Pompidou.
Une exposition lui a été consacrée en 2023, au siège du Parti communiste français, à l'espace Niemeyer.
Description :
Alfred Courmes a traversé tout le XXème siècle avec élégance et discrétion. À tel point que, depuis toujours, les responsables de musées l’adorent, mais sans avoir encore jamais osé une vraie rétrospective. C’est chose faite aujourd’hui à l’espace Niemeyer, au plus près du canal Saint-Martin qui fût son univers.
Cet artiste était un personnage ultra-libre, éminemment singulier, un bourgeois cultivé, sans le sou, épris de peinture fraîche, licencieuse et joyeuse, qui n’avait rien à faire de ne ressembler à personne. On pense à Coluche là-haut, désirant que sa famille ne se sépare jamais de la boîte de Camembert, ce tableau qui l’enchantait.
La visite était animée par Dominique Carré, éditeur de livres d’art (Éditions La Découverte) et commissaire de plusieurs expositions.