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Время вспомнить by ЗемляОнЪДобро

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Время вспомнить

Россия. Руины родового склепа ХVI века Эрзи. Северный Кавказ

Vézelay (Yonne) by sybarite48

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Vézelay (Yonne)

Vézelay (Yonne)


Reliquaire de Marie-Madeleine.

La présence des reliques de Marie-Madeleine à Vézelay, attire depuis presque un millénaire des personnes de tout horizon.

Ces reliques auraient été, soit ramenées d'Arles par Girart de Roussillon*, soit dérobée à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume, en Provence, par un moine nommé Badilon**.

La dévotion à Marie-Madeleine, dont les reliques sont déposées à l'abbaye, apparaît sous l'abbé Geoffroy élu en 1037. Ce culte attire de nombreux pélerins après que l'abbé Geoffroy eut obtenu confirmation de l'authenticité des reliques en 1050.

Ce culte attire de nombreux pélerins, et Vézelay devient une étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, .

L'afflux des pèlerins qui permet le développement du commerce, la renommée des grandes foires, le vignoble, l'installation de changeurs, font la fortune de la communauté de Vézelay. Cette richesse de la communauté entraîna de nombreuses jalousies : Des habitants du bourg dont les abbés exigeait argent et soumission, du comte de Nevers et de l'évêque d'Autun jaloux de l'indépendance de l'abbaye. Ce dernier, en 1098, jeta l'interdit sur les pélerinages, interdit qui fut levé cinq ans plus tard par le Pape.

Le 22 juillet 1120, un gigantesque incendie détruisit ce qui restait de la nef carolingienne primitive. La Chronique d’Hugues de Poitiers rapporte qu’en 1164-1165 furent découvertes de nombreuses reliques dans une statue de la vierge, sauvée de l’incendie des boiseries situées au-dessus du sépulcre de Marie-Madeleine. La statue aurait été protégée de l’incendie car elle était placée dans la niche occidentale de la crypte, et les éléments incendiés n’ont concerné que la partie de crypte-halle à colonnes et architraves de bois.

La rivalité des moines de Saint-Maximin, qui mettaient en doute l'authenticité des reliques, ouvrait la voie à la décadence de Vézelay. Malgré le soutien de Saint-Louis, qui allait authentifier les reliques et offrir des reliquaires à l'abbaye en 1267, et les protections de Philippe le Hardi, puis de Philippe le Bel, une bulle pontificale, en 1295, confirme l'authenticité des reliques de Saint-Maximin et non de celles de Vézelay.

Le rôle de Vézelay s'effaça et Vézelay devint un terrain propice aux thèses de la Réforme.

Le XIXe siècle vit le développement de vastes travaux de restauration, sous la direction de l'architecte Eugène Viollet-le-Duc et à l'initiative de Prosper Mérimée, inspecteur des Monuments historiques.

En 1870 et 1876, le don de nouvelles reliques de Marie-Madeleine à l'église de Vézelay entraîna un relatif renouveau des pèlerinages. Le 23 juillet 1876, Victor-Félix Bernadou, archevêque de Sens, remet des reliques de sainte Marie Madeleine remises par le pape Martin IV et conservées au trésor de la cathédrale de Sens depuis 1281.

Enfin, en 1920, le Saint-Siège érigea l'église en basilique.


* Girart de Roussillon, comte de Paris, administrait plusieurs territoires bourguignons au début du IXe siècle. Selon le chroniqueur
belge Sigebert de Gembloux, après la lapidation d'Etienne (entre 29 et 36 à Jérusalem), premier martyr chrétien, Maximin, l'un des soixante-dix disciples du Christ, partit pour la Gaule avec sainte Marie Madeleine. Il l'enterra près de la ville d'Aix dont il était l'évêque. Lorsque la ville fut pillée par les Sarrasins, Girart, comte de Bourgogne, transféra le corps saint à Vézelay, dans l'abbaye qu'il venait de fonder. mais il semble bien que Girart n'eut jamais à faire aux Sarrasins.

** Badilon (Saint Badilon), fut moine à Vézelay, puis premier abbé de Leuze en Hainault au IXe siècle. Selon certaines chroniques, il aurait amené le corps de la sainte directement de Jérusalem.

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Déambulatoire.


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Chapiteau du déambulatoire.


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kup. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’apsidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kup. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’apsidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kup. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’apsidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

Available under a Creative Commons by license

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kup. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’apsidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kupfer. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’absidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher). by sybarite48

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Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher).

La Crypte sous la collégiale


Auparavant, appelée "Église Saint-Jean" ou "Église des Grottes", cette crypte, construite au VIe siècle, fut l'église primitive.

La crypte est composée d'une nef carrée, d'une abside centrale en cul de four, de trois chapelles rayonnantes et d'un déambulatoire. Elle est ornée de peintures murales des XIIe, XIVe siècles.

L'ensemble s'articule autour de l'abside centrale, décorée d'un Christ en majesté dans une mandorle*. A la droite du Christ, Saint Jacques le Mineur guérissant un paralytique, et à gauche, Saint Pierre au chevet d'un cul de jatte. L'iconographie s'inscrit dans le cadre de la politique hospitalière de la ville et de ses environs qui comprenaient différents établissements de soins. Cet axe central est encadré par les chapelles latérales avec les thèmes de la vie de Saint-Gilles, le repas en Béthanie, mettant en évidence la vie de Marie-Madeleine, et la résurrection de Lazare. Le déambulatoire permettant la circulation des pélerins. (Voir Marcia Kup. - The Art of Healing. Painting for the Sick and the Sinner in a medieval Town. University Park. Pennsylvania State University Press. - 2003)


* Une mandorle est une figure ovale en amande dans laquelle s’inscrivent des personnages sacrés. Le mot vient de l’italien mandorla, qui signifie « amande ».


Texte: Marcia Kupfer - L’art de guérir - ©The Pennsylvania State University Press, 2003
isbn 0-271-02303-1

INTRODUCTION.

"Rendez-vous aujourd’hui à Saint-Aignan-sur-Cher (Loir-et-Cher), une petite ville du centre de la France à une quarantaine de kilomètres au sud de Blois. Visitez l’église romane là-bas. Mais il serait impossible de deviner que le bâtiment était autrefois le principal sanctuaire autour duquel se regroupaient plusieurs hôpitaux et petites chapelles consacrées aux cultes de guérison. Le seul indice que la guérison ait jamais été une préoccupation majeure sur le site se trouve dans la vaste crypte, peinte en c. 1200. L’image la plus révélatrice apparaît au centre de la voûte de l’abside au-dessus de l’autel principal. À travers une scène visionnaire de la Majesté de Dieu déploie la phrase clé « Confessez vos péchés » (Jacques 5:16). Le Christ intronisé tend la main à saint Jacques, à sa gauche, un rouleau sur lequel était écrit un extrait abrégé du verset scripturaire, « Confitemini [ergo] alterutrum peccata [vestra] », maintenant frotté au point d’être inintelligible. A saint Pierre, à sa droite, le Christ délivre les clés du ciel.

Cette théophanie de la traditio divine est en même temps une scène de propitiation rituelle dans laquelle la guérison vient par le pardon du péché de Dieu. Trois petits pauvres, béquilles à portée de main, demandent humblement la grâce. Offrant des dons votifs et des prières aux pieds du Christ et des apôtres, les suppliants reçoivent à leur tour des bénédictions. Ils portent les attributs de l’infirme et du pèlerin mais représentent, dans le sens le plus complet du terme, les fidèles à qui Jacques (par le Christ) adresse le passage qui culmine avec les mots inscrits. « Y a-t-il quelqu’un parmi vous malade? Qu’il fasse venir les prêtres de l’Église et qu’ils prient sur lui, en l’oignant d’huile au nom du Seigneur. Et la prière de la foi sauvera l’homme malade, et le Seigneur le ressuscitera, et s’il est dans les péchés, ils lui seront pardonnés. Confessez donc vos péchés les uns aux autres, et priez les uns pour les autres, afin que vous soyez sauvés » (Jacques 5:14-16). L’image offre la perspective d’un retour à la santé physique dans ce monde - le suppliant agenouillé devant Jacques a abandonné sa béquille - alors même qu’elle envisage, dans l’apothéose des pauvres dans le royaume de Dieu et des saints, le passage d’une humanité déchue par la maladie et la mort à la vie éternelle.

L’exhortation à la confession du Nouveau Testament se répercute dans les chapelles radiales, où les peintures existantes de la même date se dilatent sur la relation entre la pénitence et la guérison. Saint Gilles, dont la vie est racontée dans la chapelle sud, non seulement accomplit des guérisons miraculeuses, mais obtient aussi miraculeusement la preuve divine que le repentir gagne le pardon de Dieu. La chapelle est combine l’Élévation de Lazare, prototype de renaissance spirituelle et de triomphe sur la mort, avec des épisodes évangéliques mettant en vedette ses saintes sœurs. Marie de Béthanie, dont on croyait au Moyen Âge qu’elle n’était autre que la Madeleine, est représentée, comme on pouvait s’y attendre, dans le rôle de pénitente par excellence lorsqu’elle oint les pieds du Christ ; elle est également montrée en train de converser avec christ dans le jardin après sa résurrection. Assez étonnamment, en revanche, Marthe est identifiée ici comme la femme guérie de son problème de sang au moment où elle a touché le vêtement du Christ.

La résurrection et la rédemption, sous-textes du programme roman, ont été beaucoup plus tard explicitement représentées dans un deuxième ensemble de fresques médiévales introduites dans l’espace quasi souterrain. Les peintures murales du XVe siècle englobent la Majesté dans le semi-dôme de l’abside, ce qui en fait la pièce maîtresse d’un nouveau programme, et s’étendent vers l’ouest dans le chœur Émergeant des tombes ouvertes, les morts sortent pour saluer le Christ revenu en tant que Juge. De nobles donateurs en compagnie de saints patrons prennent place sur la base de la concha absidaire de part et d’autre de l’ancienne image de pauperes christi reçue par Dieu.

À première vue, les peintures de Saint-Aignan peuvent sembler un choix étrange à examiner de près. L’ensemble roman n’est que partiellement conservé et, d’un point de vue strictement technique, est de qualité inégale. Aucun chef-d’œuvre encore non revendiqué du XVe siècle n’attend ici d’être découvert. Bien qu’elles ne soient pas inconnues des spécialistes, les peintures murales en question ne figurent guère parmi les « grandes œuvres » de l’art médiéval. En effet, leur modestie pose un défi aux historiens de l’art. L’érudition dans le domaine médiéval s’est traditionnellement concentrée sur de puissantes abbayes et cathédrales, des mécènes et des théologiens renommés, des manuscrits somptueusement enluminés et des ornements précieux. Nos récits disciplinaires, tournant autour d’un canon créé par des élites savantes, ne tiennent guère compte de la culture moyenne. Quelle histoire peut-on extraire des peintures de Saint-Aignan, et quelles implications plus larges pourrait-elle avoir pour notre compréhension du Moyen Âge ?
...
Une découverte fortuite a précipité mon intérêt pour Saint-Aignan. Les peintures romanes dans la crypte de l’église peuvent être corrélées avec le fonctionnement contemporain de plusieurs hôpitaux entourant la ville. Très inhabituel pour dire le moins, ce lien remarquable est en effet déroutant. Pourquoi le schéma décoratif à l’intérieur de l’église serait-il lié à des institutions caritatives périphériques? Quel pourrait être l’enjeu de l’organisation spatiale de la paroisse médiévale que l’organisation concomitante des images picturales dans l’espace architectural abordait ? La réflexion sur ces questions m’a amené à étudier la crypte peinte en relation avec le développement urbain du site, la prolifération des institutions d’assistance aux pauvres malades et la topographie locale de la guérison et de l’enterrement."

À L’INTÉRIEUR DE LA CRYPTE PEINTE

L’église romane de Saint-Aignan, subordonnée au donjon et dominant l’arrondissement, est le fragment matériel le plus significatif du site médiéval. Je reviendrai dans les chapitres suivants pour traiter des spécificités de son architecture et de sa décoration peinte. Il suffit de noter pour l’instant que la partie la plus ancienne et la moins restaurée du bâtiment, la crypte, date de la fin du XIe siècle. Au moment où la construction a commencé, le plan radial adopté pour l’extrémité est était devenu assez courant. Pourtant, une crypte dans laquelle l’abside est enfermée dans un déambulatoire spacieux donnant sur trois absidioles rappelle une disposition traditionnellement associée à la présentation des reliques des saints. Les travaux sur le bâtiment se sont déroulés par étapes au cours des cent années suivantes, et à la fin du XIIe siècle, l’église inférieure a été embellie de peintures murales.

La scène centrale de la Majesté de Dieu dans le semi-dôme de l’abside, la chapelle principale de la crypte, met en scène les apôtres Pierre et Jacques avec des figures minuscules, faibles, boiteuses ou infirmes, à leurs pieds. Le trio de saints frères et sœurs, Lazare, Marie et Marthe, apparaissent dans la chapelle axiale, chacun bénéficiaire du Christ Médicis: il arrête le flux de sang de Marthe alors qu’elle touche la frange de sa robe, purifie Marie de ses démons, ramène Lazare à la vie. Ensemble, les épisodes forment un prélude à la résurrection du Christ, par laquelle il vainc la mort et rachète l’humanité déchue de son péché originel. Le miraculeux Saint Gilles, dont la légende épique s’étend sur l’Antiquité tardive et le passé carolingien de la Gaule, préside dans la chapelle sud. Il expulse le venin venimeux d’un homme mordu par un serpent et sauve un navire de l’épave en mer. Mais parmi les nombreux actes qu’il accomplit, deux en particulier démontrent son imitatio christi : Giles guérit un mendiant à travers son vêtement et obtient le pardon de Dieu de l’offense indicible de Charlemagne. Bien qu’il guérisse les autres, il accepte le martyre de l’invalidité permanente afin que, par la souffrance, il puisse augmenter sa vertu. L’apsidiole nord a également reçu un cycle hagiographique de format similaire à ses homologues à l’est et au sud, mais le matériau est entièrement effacé à l’exception des vestiges les plus pâles de plâtre coloré.

Un examen préliminaire de la crypte peinte rendrait donc tout à fait approprié de poser comme hypothèse de travail que des reliques y étaient logées et attiraient les pèlerins en quête de guérison. Il n’est donc pas étonnant que les images dépeignent des suppliants contemporains implorant le pardon pour les péchés ainsi que les guérisons miraculeuses. Mais ce scénario, pour lequel je fournirai des preuves convaincantes, bien que circonstancielles, est assez incomplet, ne tenant pas compte des multiples fonctions de l’espace. Le tissu richement texturé de mécénat et de clientèle que seule une enquête plus approfondie sur les archives historiques peut commencer à délimiter est absent de la portée de l’inspection sur place. Les saints n’étaient pas les seuls morts honorés dans la crypte, ni les pèlerins les seuls visiteurs là-bas. Les activités cultuelles soutenues par l’église inférieure sont nées de ses interconnexions avec le château, la ville et les maisons de bienfaisance voisines. À moins que la noblesse locale, les chanoines laïcs et les bourgeois ne soient pris en compte dans le bilan, nous nous retrouvons avec une impression superficielle de la façon dont le complexe du sanctuaire fonctionnait réellement."

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