
Bourges (Cher)
Palais Jacques Cœur.
Galerie haute sud. L'aménagement de l'escalier et de la porte est dû à l'architecte Bailly, vers 1860.
Les galeries hautes.
Les galeries hautes surmontent les galeries basses ouvertes sur la cour. Il s'agissait de lieux de passage et de sociabilité. Chauffées par plusieurs cheminées, on les appelait parfois "salles d'hiver". Les galeries furent cloisonnées ce qui entraîna la disparition de plusieurs cheminées et dénatura complètement la galerie nord.
A partir de 1860, l'architecte Bailly découvrit une belle voûte lambrissée sous le faux plafond.
La demeure du célèbre financier à Bourges, bâtie de 1443 à 1451 pour Jacques Cœur, grand argentier de Charles VII, est typique de l'architecture gothique de la dernière période, où apparaissent déjà les ornements et la fantaisie de la Renaissance. La construction en était à peine achevée lorsque Jacques Cœur fut arrêté, et condamné au bannissement en 1453.
En 1679, Colbert fit l'acquisition de la maison qu'il céda peu après à la Ville qui y installa son hôtel de ville jusqu'au milieu du XIXe siècle. Depuis le début du XXe siècle, l'hôtel est devenu propriété de l'État et a été entièrement restauré.
Jacques Cœur naît à Bourges vers 1400. Son père, Pierre Cœur, pelletier, venu de Saint-Pourçain, est l'époux de la veuve d'un boucher installé dans la ville basse, rue de la Parerie, au bord de la rivière l'Yvrette. Vers 1409, Pierre Cœur s'intallera près de la Sainte-Chapelle, à proximité d'une clientèle fortunée. Le commerce de Pierre Cœur l'amena sans doute à avoir quelques relations dans la cour du duc Jean de Berry.
L'ascension sociale de Jacques Cœur commença sans doute par son mariage, vers 1420, avec la fille du prévôt ducal de Bourges, Macée de Léodepart, qui lui donnera plusieurs enfants. De son côté, sa sœur Anne se mariait avec le secrétaire du roi Charles VII et receveur des Finances de la reine Marie d'Anjou, Jean Bochetel.
Charles VI dit "le Fol", meurt fin octobre 1422. D'après le traité de Troyes signé en 1420*, le jeune Henri VI d'Angleterre est alors proclamé "héritier de France". Henri VI nomme Jean de Lancastre, duc de Bedford, régent du régent du royaume de France. Celui-ci s'installe à Paris. Réfugié à Bourges, le dauphin Charles prend néanmoins le titre de roi de France sous le nom de Charles VII, il ne tient que les pays au sud de la Loire.
Une vingtaine d'ateliers dispersés dans le royaume pouvaient battre monnaie. Bourges avait une importance particulière compte tenu de sa proximité avec la cour royale. Le droit de battre monnaie était confié par le pouvoir royal à des particuliers par un contrat de ferme ou d'affermage.
En 1427, Jacques Cœur, associé au changeur Pierre Godard, et à Ravant le Danois, qui avait déjà dirigé des ateliers monétaires, acheta la ferme de la monnaie de Bourges. Les trois hommes étaient dès lors responsables de la qualité des monnaies frappées pour Charles VII.
Cœur et ses associés, en contradiction avec la politique royale, se rendirent coupables d'utiliser des alliages de piètre qualité, frappant plus de pièces que ce qu'ils auraient dû . En 1429, ils furent destitués de leur charge et condamnés à une amende de mille écus d'or. A la fin de 1429, Ravan le Danois sollicite du roi une lettre de rémision, faisant valoir le trop grand nombre d'assignations que le Trésor royal tire sur le compte de la ferme des monnaies. La forte amende est gardée, mais les associés retrouvèrent aussitôt la charge de l'atelier monétaire de Bourges, Ravant le Danois devenant même, en 1431, maître général des monnaies de France. Après la reprise de la capitale, en 1436, Jacques Cœur sera momentannément chargé de la monnaie de Paris.
La ferme des monnaies ne constituait pas la seule activité de Jacques Cœur. En 1430, il fonde avec les frères Godard, dont l'un est compagnon de la ferme et changeur, une société commerciale de fournitures de luxe pour la riche clientèle de la cour.
En 1432, Jacques Cœur voyagea jusqu'en Syrie, sur une galée narbonnaise. Sur le chemin du retour, le navire est attaqué par des pirates et fait noufrage sur les côtes Corse.
En 1436, Jacques Cœur devint maître des monnaies et s'installe dans une grande demeure jouxtant les greniers de l'ancienne abbaye de Saint-Hyppolite. L'année suivante, il obtint la ferme des monnaies de Paris. Il s'attacha alors à lutter contre la mauvaise monnaie anglaise, qui continuait à être frappée à Rouen, ville que tenait encore le roi d'Angleterre.
En 1438, Charles VII confie à Jacques Cœur l'Argenterie de son hôtel. La charge d'argentier concernait non pas le royaume, mais l'hôtel du roi. L'argentier, sorte d'intendant, devait subvenir aux besoins luxueux du roi et de sa cour : approvisionnement en bijoux, fourrures, vêtements, draps, épices…
Jacques Cœur su développer cette charge modeste : Ne se contentant pas d'assurer le service du roi, il élargit l'activité de cette charge aux officiers militaires et civils, leur accordant au besoin des crédits et prêts sur gage. L'Argenterie du roi devient alors un véritable établissement commercial qui permettra à Jacques Cœur d'amasser une immense fortune personnelle. En avril 1440, Jacques Cœur est annobli en raison des services rendus. En 1450, Jacques Cœur prêta au roi 60 000 livres pour acheter le départ des Anglais lors du siège de Cherbourg.
Le royaume de France ne dispose que de peu d'ouvertures sur la Méditerranée : Aigues-Mortes qui s'ensable, Montpellier au mouillage incommode, et Lattes que Jacques Cœur tente d'améliorer sans succès. Les marins languedociens ne peuvent rivaliser avec les catalans, gênois et vénitiens, qui n'hésitent pas à pratiquer la piraterie pour s'opposer à la libre circulation des flottes concurrentes. Les pillages faisant l'objet de tractations d'Etat à Etat.
En 1444, Cœur devient gérant d'une galée royale fabriquée par les chantiers navals de Gênes et baptisée Notre-Dame-Saint-Denis. Trois autres galées, Notre-Dame-Sainte-Madeleine, Notre-Dame-Saint-Michel et Notre-Dame-Saint-Jacques, complèteront la flotte royale. Les quatre galées avec le pavillon à fleur de lys ont le monopole royal de l'importation des épices, ce qui irrite les marchands languedociens. Cœur se tourne alors vers Marseille qui est un port franc, et s'y fait admettre comme habitant en 1446. Il y installe des proches berrichons comme Jean de Villages responsable des galées de France. Jean de Villages négocia avec le sultan l'ouverture des ports égyptiens aux galées de France.
En 1444, Cœur s'engagea aussi, sans grand succès, dans des entreprises minières du Beaujolais et du Lyonnais ; certaines mines furent même abandonnées avant 1450.
Adjoint par Charles VII à l'ambassade de juillet 1448 à Rome, Jacques Cœur étonna le pape Nicolas V par son lustre et son influence. Il fut capable d'obtenir de la curie, en quelques semaines, de nombreux privilèges au profit des Français et particulièrement des Berrichons. Dans les mois qui suivirent, Jacques Cœur semble avoir joué un rôle décisif dans l'abdication, en 1449, de l'antipape Félix V, ex-comte de Savoie Amédée VIII. Il subordonna toute aide financières au fils de Félix V, le comte Louis, alors aux abois, au retrait de l'antipape.
Jacques Cœur obtint diverses charges officielles : Par exeple, il fut visiteur général des gabelles en Languedoc, et commissaire du roi. Il en profita pour créer à son profit divers impôts supplémentaires, surnommés «épices» ou «moutons» : Lors du règlement des impôts, il dépréciait la monnaie et, lors du reversement au pouvoir royal, il comptait la monnaie à son cours véritable, ce qui lui permettait d'empocher la différence.
Parvenu à la cinquantainee, la fortune de Jacques Cœur, considérable, lui amena de nombreux ennemis. Sa "grand'maison" de Bourges, commencée en 1444 est presque achevée, il possède également des immeubles à Montpellier, Tours, Lyon, une maison à Marseille.
Ses méthodes déplaisaient, ainsi que son orgueil, que traduit sa devise : «A cuers vaillants riens impossibles» (À cœur vaillant rien d'impossible»).
Le 31 juillet 1451 Jacques Cœur fut arrêté à Taillebourg où se trouve la cour, suite à des plaintes de concurrents et de rumeurs sur l'empoisonnement d'Agnès Sorel, la favorite de Charles VII, dont il est accusé. Le soupçon d'empoisonnement démonté, d'autres accusations viennent relayer la première : On l'accusa de malversations financières diverses. Jacques Cœur est désormais prisonnier du roi, traîné de cachots en cachots suivant l'endroit où se trouvait la Cour. Il restera au secret pendant deux ans, privé d'avocat et de moyens de défense. L'instruction de l'affaire fut menée par le procureur Jean Dauvet, et l'accusé fut condamné à mort le 29 mai 1453 à Lusignan.
Dès les jours suivants, il fit amende honorable et sa peine fut commuée, par l'intervention du pape et pour les sevices rendus à Charles VII, en bannissement perpétuel, tandis que ses propriétés étaient saisies et que ses débiteurs devaient régler au roi le montant de leur dette.
Il s'évada fin octobre 1454 du château de Poitiers, où il était emprisonné. De prieuré en couvent, de franchise en franchise, il parvint à gagner Marseille où Jean de Villages l'attendait à la tête d'une petite troupe. Début mars 1455, Jacques Cœur est accueilli à Rome par le pape Nicolas V.
En 1453, Constantinople était tombée aux mains des Turcs, et Nicolas V puis son successeur Calixte III prêchèrent une nouvelle croisade. Cette croisade s'achève sans gloire sur l'île gênoise de Chio, à proximité des côtes turques. Le pape Nicolas V proclame l'innocence de Jacques Cœur en 1455 et le pape Calixte III lui confie le commandement d'une flotte pour soutenir Rhodes contre les Turcs. Jacques Cœur s'embarqua en juin 1456, et serait mort de maladie à Chio le 25 novembre de cette année. Il fut enterré par les gênois dans le chœur de l'égise des Cordeliers dont toute trace a disparu.
Parmi les fils de Jacques Cœur, Jean devint archevêque de Bourges, Henri fut chanoine et Geoffrey officier royal. Ils parvinrent à récupérer une partie de l'héritage de leur père.
* Le 21 mai 1420 est conclu en la cathédrale de Troyes, entre les rois de France et d’Angleterre, le traité instituant la réunion de leurs deux royaumes sous une seule couronne. Cet accord reconnaît le souverain Lancastre comme l’héritier légitime du royaume des lis au détriment du Dauphin, réfugié à Bourges. Il prévoit également le mariage d’Henri V avec Catherine de France, l’une des filles de Charles VI et d’Isabelle de Bavière. Ce traité consacre la suprématie anglaise sur une grande partie de la France.
Voir
© 2005, Hachette Multimédia / Hachette Livre
www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Jacques_C%C5%93ur...
fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_C%C5%93ur
Le Palais Jacques Cœur - Editions du Patrimoine - Jean-Yves Ribault;
Etc...